Dans ma pratique de psychologue, j'accompagne régulièrement des familles et des enfants au sein de séances à visée systémique. Une observation récurrente a attiré mon attention : lorsqu'on aborde des émotions fortes ou qu'on redonne à l'enfant sa place d'enfant, je vois souvent ces derniers bâiller. Ce comportement est souvent suivi d'une intervention parentale : « Arrête de bâiller ! Excuse-toi! » Or, ce bâillement n'a rien d'une impolitesse selon moi; il s'agit d'un processus naturel, inconscient et souvent bénéfique.
Le Bâillement : Une Réponse Physiologique et Émotionnelle
Le bâillement, souvent assimilé à la fatigue ou à l'ennui, est en réalité un phénomène plus complexe. Des recherches scientifiques montrent qu'il joue un rôle régulateur dans la gestion des émotions et du stress. Lorsqu'un enfant bâille en séance, cela peut traduire une tentative de son système nerveux pour retrouver un état d'équilibre face à des émotions intenses.
En effet, bâiller réduit la température cérébrale et stimule le nerf vague, favorisant un retour au calme. Contrairement à une idée reçue, le bâillement n'augmente pas significativement l'apport en oxygène, comme l'ont montré des recherches récentes, et stimule le nerf vague, favorisant un retour au calme. Dans le contexte de la thérapie, cela peut correspondre à un moment où l'enfant se détend après avoir été confronté à des émotions jusqu'alors non verbalisées par exemple.
Le Bâillement Comme Manifestation d'une Libération Émotionnelle
Le bâillement peut être un indicateur de régulation émotionnelle. Lorsque nous touchons des thèmes sensibles, comme le fait de distinguer les émotions parentales de celles de l'enfant, le bâillement peut traduire une décharge de tensions. C'est une manière pour le corps de dire : « J'intègre, je relâche, je me sépare de ce qui ne m'appartient pas. »
Les enfants sont particulièrement réceptifs aux émotions parentales. Le phénomène de contagion émotionnelle explique comment un enfant peut ressentir et porter inconsciemment les tensions d'un parent. Le bâillement intervient alors comme un mécanisme d'ajustement et de protection psychique.
Comment Accueillir le Bâillement en Thérapie ?
Pour les parents, il est naturel de vouloir corriger ce qu'ils perçoivent comme un signe de désinvolture. Pourtant, en comprenant la véritable fonction du bâillement, ils peuvent changer de regard. Plutôt que de le réprimer, ils peuvent :
Accueillir : Remarquer et accepter le bâillement comme une réaction saine.
Nommer : Dire à l'enfant : « Tu bâilles, peut-être que ce qu'on vient de dire te touche. »
Rassurer : Expliquer que c'est un processus naturel, signe que son corps fait bien son travail.
Un Signal À Prendre au Sérieux
Le bâillement n'est pas anodin. Il est une fenêtre ouverte sur les processus internes de l'enfant et, parfois, un indicateur précieux pour le thérapeute. Plutôt que de chercher à le faire taire, accueillons-le comme un témoin silencieux du cheminement émotionnel en cours.
Ainsi, lors de nos prochaines séances, prêtez attention à ces bâillements inattendus. Ils racontent peut-être, mieux que les mots, ce que l'enfant vit et libère.
Sources scientifiques :
Gallup, A.C., & Eldakar, O.T. (2013). The thermoregulatory theory of yawning: what we know from over 5 years of research.
Walusinski, O. (2014). Le bâillement : Physiologie et implications psychologiques.
Les pros de la petite enfance.
Flore Pothelune, Psychologue
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